mercredi 18 février 2009

gorge serrée

Alors m’y voilà. J’y suis de nouveau et surement pour la dernière fois de ma vie. De quoi suis-je ne train de parler ? De la chambre où j’ai passé tant de nuits. Je suis dans cette chambre où un iphone, un portable et un GPS rechargent. Rien de tout cela n’existait quand je faisais des batailles de polochon avec mes cousins, quand les chaises qui y sont me faisaient peur.

J’ai monté les marches tout à l’heure, ces mêmes marches immuables depuis plus de 20 ans. Dans cet immeuble (prenons de la hauteur) j’avais mis un panneau « ascenseur en panne » sans savoir qu’il y avait un déménagement au cinquième étage. Et dans cette chambre (retournons-y) j’avais lancé des bombes à eau du quatrième. Aucune n’a touché son but mais quand on se rappelle comment elles étaient remplies, ça aurait fait du dégât.

Dans cette cabre immobile, à l’odeur de naphtaline passée, rien n’a changé. La lampe de chevet est toujours faite d’une bouteille de champagne et d’un abat-jour. Il y a toujours cette miniature de la Vierge au-dessus d’elle. Il ya des esquisses bleutées qui représentent le japon et un bateau sous une lune. Il y aussi une œuvre de Tristan, mon cousin, qui peut être soit un ciel bleu avec des nuages, la mer avec des rochers ou la carte d’un pays imaginaire.

Au milieu de la chambre, se trouvent deux lits côte à côte. Ils sont devenus de plus en plus petits au fur et à mesure que nous devenions des géants. Il y a une petite penderie où l’on rangeait nos affaires. C’est de là que vient l’odeur de naphtaline. A l’intérieur, il y a cet exemplaire de la Bonne Paye et du Cluedo. Je n’ai pas ouvert les boites mais je sais que j’y trouverai les rires emprisonnés et fossilisés dans les cartes.

Il ya aussi des livres dans cette chambre, la couverture a passé avec le soleil. Lady Jane est un kaléidoscope et la belle de Louisiane est bien délavée. La voilà donc cette chambre, d’où je tape tout cela. Je sais qu’elle me donnera du sommeil comme elle m’a déjà tant donné. L’enfant n’est plus là mais je l’entends encore qui m’appelle, qui se rappelle à moi.

Et je regarderai cette peluche de tissu en m’endormant, dont je ne sais toujours pas si c’est un chat, un chien ou la preuve que le cannabis est dangereux quand on veut créer quelque chose.

Je l’ai vu aujourd’hui dans une maison de retraite. J’y ai vu mon père, tant la ressemblance était frappante et cette vision m’a pétrifié. J’y ai vu ce que je ne veux pas être mais que je serais surement. Des gens dans un monde qui est le leur, rythmé par les repas et les passages aux toilettes. Des gens perdus dans leurs pensées, leurs souvenirs ; passant en fauteuil ou déambulateur, répondant à un animateur dont le sourire constant était effrayant. Et il y avait cette odeur aussi, pénétrante et omniprésente. Celle des vieux, de la mort ou d’autre chose, je ne sais et je ne veux pas savoir. A tout dire Quand je suis rentré dans sa chambre il y avait un autre pensionnaire qui était dans les toilettes, s’étant trompé de chambre.

De tout ce que j’ai vu, je ne souhaite rien. Mon grand père, mon pépé, si digne auparavant et si diminué maintenant est ce qui m’attend, ce qui nous attend et cela me glace. Mais à y réfléchir il n’y qu’une seule chose que je retiens. Ma grand-mère de 86 ans qui se penche vers lui et qui l’embrasse tendrement en lui disant « mon chéri ». Ma grand-mère qui ne cesse de le caresser et dont les yeux rougissent quand elle réalise. C’est ce que je retiens, que j’admire et qui souffle mon coupe en cette heure tardive.. Quelqu’un qui est là, pour se sentir moins seul. Et qui après 62 ans de mariage est là, jusqu'à la fin. Et je retiens aussi mon grand père, qui dans sa fatigue de trois semaines d’hospitalisation tente de rester éveillé.

- Et mammie de lui demander : tu es fatigué ?

- Et lui de répondre « non ».

- Et tu es content que tes petits-fils soient là ?

-Oui, c’est pour ça que je ne suis pas fatigué.

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