dimanche 8 juin 2008

Retrouvailles.

Orléans, Alençon.
Je suis allé te voir cet après-midi. La journée était grise et lourde et je suis allé dans ce grand jardin de pierre. Pour toute indication je n'avais que "le jardin du souvenir". J'ai jeté un coup d'oeil hésitant sur quelques plaques et j'ai réalisé à quel point j'avais peur de lire ton nom. Les noms plus ou moins clairs à lire ne m'ont rien indiqué.
Un peu dépité et le souffle court, je suis allé voir quelqu'un qui s'occupait de l'endroit. Je l'ai vu ouvrir un long tiroir empli de fiches où tous ces noms étaient écrits, immuables pensionnaires de l'endroit. Il a cherché mais ne t'a pas trouvé et j'ai alors réalisé que ton nom nom était celui d'une femme mariée. Il m'a parlé du deuxième jardin du souvenir et m'a guidé dans les allées.
J'ai toujours aimé les cimetières. Ce sont des endroits de paix et de calme, des endroits où les vivants communiquent avec ceux qui sont partis, où ils peuvent penser et réfléchir sur leur vie qui continue malgré le vide laissé. Tout ici n'est que pour ceux qui restent, même cette improbable tombe en forme de téléphone portable que j'ai pu voir. Il y a cette vérité, cet instantané du temps qui passe, de ceux qui nous ont précédés et de ce qui nous attend inexorablement. Je n'ai jamais compris ceux qui avaient peur des cimetières tu sais. Au contraire, on devrait faire comme les grecs qui mangent et boivent sur les tombes de leurs disparus. Pour qu'ils soient avec ceux qu'ils ont quitté l'espace d'une retrouvaille.
Il y avait peu de monde, une vieille dame penchée sur une tombe qui arrangeait les fleurs, déplaçant des pots et décorant de nouvelles fleurs cette pierre immuable. J'avais du mal à comprendre la personne qui me parlait. Il m'a juste montré le jardin, là où les personnes ont été incinérées. J'ai regardé ce grand cercle et toutes ces pages de vies passées, enfuies pour certaines, étaient devant moi. Mon regard passait sur elles, toutes noires et sombres comme le silence. Je me suis alors arrêté. Je t'ai vu ou tu m'as parlé par les mots que j'ai lus. Ton nom m'a frappé. Tu étais là, impassible mais tant emplie de vie. A jamais prisonnière, mais libre du souvenir qu'on emporte avec nous. J'ai souri. L'homme qui m'accompagnait est alors reparti, ne sachant trop quels mots trouver. Il m'a laissé seul avec toi.
Je l'ai vu partir et j'ai souri. Ta tombe est blanche. La seule de toute la rangée. Une lumière, un appel pour ceux qui veulent te trouver. Si on m'avait dit un jour que je viendrais te voir sur ta tombe, j'aurais frémi je pense. Je regarde les chiffres: dans deux jours tu auras 35 ans. Comme ceux que je viens de fêter. Ensuite, nous avons parlé. Je t'ai raconté ce qui m'arrive, je me suis rappelé de la dernière fois où je t'ai vu, je t'ai fait des promesses que je tenterai de tenir celles-là.
Le vent caressait les fleurs blanches, roses et de toutes les autres couleurs de la vie et au bout d'un moment il a fait poindre le soleil. Derrière moi la dame a commencé à s'occuper d'une autre tombe. Bien sur, quelques larmes ont perlé mais ce fut un bon moment, aussi bon que celui que je me m'étais imaginé des centaines de fois, intimidé par cette singulière manière de se retrouver.

Ce fut un bon bon moment. Un moment qui n'appartient qu'à nous, en attendant de te revoir dès que ma route repassera en Alençon. Je saurais te trouver tout seul cette fois.
A bientôt.

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